Ce que l’on cherche à construire et la logique qui le sous-tend
Face aux crises qui bouleversent nos sociétés, nous engageons une réflexion structurée pour créer un mouvement capable de penser et de construire l’Occident de demain. Nous ambitionnons de soutenir une conscience collective occidentale, fondée sur la liberté, la raison et les Lumières, où le débat et l’épanouissement des consciences individuelles nourrissent l’émancipation intellectuelle et notre dignité humaine inaliénable. Nous aspirons à œuvrer pour un bloc géopolitique occidental, cohérent et uni, capable de protéger nos valeurs et de faire face aux crises contemporaines. Enfin, nous voulons élaborer un système économique et politique alternatif, pour remplacer le capitalisme néolibéral ainsi que la démocratie libérale représentative, mais aussi réhabiliter la liberté, la création et la raison comme principes moteurs de nos sociétés. Ces ambitions ne sont que les premières étapes : elles posent le cadre philosophique et politique nécessaire pour structurer nos actions, fédérer nos forces et défendre un Occident capable d’innover, de résister aux crises et de préserver ses valeurs essentielles.
Toute action politique se fonde sur un constat — un constat qui, avant d’être une simple observation, est une préoccupation, une inquiétude intime qui nous oblige à agir. Notre constat est que l’Occident vit la fin d’une parenthèse historique : son âge d’or démocratique s’éteint,, dans l’indifférence d’un monde désenchanté.
Nous apercevons se dessiner à l’horizon une série d’effondrements imminents — que les jeunes générations actuelles vivront vraisemblablement de leur vivant — et que nous espérons, autant que possible, éviter. Ces effondrements sont les symptômes d’un mal plus profond, dont il nous faut comprendre le sens, les origines et la logique. Ils s’imposent à nous avec la force d’une nécessité historique : l’effondrement environnemental et climatique, d’abord, qui annonce un biotope planétaire en grande partie inhabitable ; l’effondrement, ensuite, des modèles de gouvernance démocratique, incapables de s’adapter aux crises, aux mutations et au chaos économique engendré par la déstabilisation de notre écosystème ; et enfin, l’effondrement de notre civilisation occidentale elle-même — cette civilisation porteuse d’une vision optimiste de l’humanité, d’un idéal de progrès et d’un ensemble de valeurs qui ont élevé et célébré notre dignité en vue de l’affirmer, telles que la liberté, la créativité et le soin de cultiver notre conscience. Notre démarche est indéniablement pessimiste et catastrophiste dans son constat, mais profondément optimiste par notre volonté de vouloir y faire face avec succès.
Nous fondons notre réflexion sur une démarche systémique à caractère scientifique, une méthode que nous considérons légitime – car éprouvée pour créer de la connaissance. Nous affirmons que c’est seulement en comprenant les mécanismes qui régissent nos sociétés et notre environnement que l’on peut adapter nos opinions et orienter nos actions avec pertinence. La science, par sa rigueur et son exigence, nous oblige à confronter nos hypothèses à la réalité, à tester nos certitudes, et à accepter que certaines vérités puissent nous surprendre, voire nous déranger. Il est dangereux de se contenter de réactions hâtives. Nous faisons face à des réalités complexes, qui s’inscrivent dans des systèmes invisibles mais réels, des dynamiques historiques de causes et d’effets que l’œil nu ne perçoit pas toujours. Les problèmes complexes que nous affrontons ne se résolvent pas par des solutions simples ou des mesures superficielles. Coller un sparadrap sur une plaie profonde ne la refermera pas. Il faut agir sur la racine, comprendre le système dans son ensemble et construire un cadre idéologique capable de traiter la cause plutôt que le symptôme.
Loin de se limiter à une intuition ou à une indignation passagère, notre démarche s’enracine dans une méthode éprouvée. Sa pérennité nous permet de ne pas céder à la panique, mais de transformer l’inquiétude en plan d’action, la peur en anticipation, et la compréhension en responsabilité collective. La science, appliquée à la politique et à la société, devient alors un outil de prévention, un levier de réflexion, et peut-être le dernier rempart avant que l’accélération des effondrements ne nous dépasse totalement.
Ainsi, les travaux du rapport Meadows et des pionniers de la dynamique des systèmes ont démontré que tout système — qu’il soit écologique, économique ou social — possède des limites. Lorsqu’un système dépasse ces seuils critiques, il ne s’effondre pas progressivement et de manière linéaire : il entre dans une zone de turbulences extrême et soudaine, où l’adaptation devient difficile, voire impossible. Les conditions empirent plus vite que nos capacités d’anticipation, et chaque retard d’action se paie au prix fort. Ce constat scientifique nous rappelle que les crises ne sont pas des accidents isolés mais des conséquences inéluctables de l’ignorance ou de la négligence face aux lois du système. Nous sommes, aujourd’hui, minuit moins une avant la barbarie. L’urgence est totale.
Une succession de crises — environnementale, migratoire, technologique, et enfin politique — menace de faire disparaître l’héritage des Lumières qui a porté nos consolidations démocratiques et républicaines. Chaque crise alimente la suivante, créant une dynamique pouvant conduire à l’effondrement civilisationnel et à l’émergence d’une dictature technocratique implacable. Ignorer ou mal étudier ces dynamiques, c’est risquer de basculer dans un régime analogue à celui de la Chine, où les technologies actuelles peuvent – dans les mains d’un homme providentiel, d’un parti ou d’un Etat supposément protecteur face au chaos – dégénérer vers un contrôle social total et où toute opposition devient impossible. Les dangers sont donc pluriels. Notre biotope s’effondre, notre système économique s’emballe, et déjà se dressent les prétendus sauveurs, impatients et exaltés à l’idée de tout sacrifier pour imposer leurs lois. Ils restreignent nos libertés, érigent une dictature « pour notre bien » ou instaurent un mode de vie pieux, espérant convaincre Dieu de nous accorder son salut. La Raison est assiégée. La Démocratie vacille. Et les Lumières n’éclairent plus. Il est impératif de s’organiser et d’agir.
Notre projet est de préparer une révolution républicaine occidentale, capable de traverser les crises à venir. Il s’agit de fournir un cadre d’analyse solide, permettant d’agir avec lucidité et d’anticiper l’avenir qui s’annonce sombre. Ainsi nous pourrons résister aux turbulences, préserver notre essence et nous permettre de faire face aux empires émergents qui ambitionnent de prendre leur revanche sur l’Histoire – et qui ne partagent aucunement notre amour pour la liberté et la démocratie. Survivre sans préserver notre essence aura la futilité d’une coquille vide. Survivre en s’intégrant dans un nouvel empire autocratique ou totalitaire n’est nullement survivre. Nous devons faire face aux crises, aux aspirants dictateurs de l’intérieur et aux adversaires géopolitiques qui ont senti l’opportunisme souffler. C’est pourquoi nous sommes autant attachés à notre culture politique.
Défendre l’héritage des Lumières n’est pas un simple combat intellectuel : il s’agit d’un impératif civilisationnel. Depuis l’Antiquité, nos penseurs ont conceptualisé, pensé et expérimenté une culture qui élève la Liberté comme principe fondamental, à travers des expérimentations audacieuses qui ont abouti à la Révolution française et à nos régimes constitutionnels contemporains – qui hélas ne sont plus que l’ombre de la révolution qui les a portés. Nous pensons qu’il est primordial de préserver cette tradition intellectuelle. Nous sommes les gardiens d’un espoir et d’une conception optimiste de l’humanité, dans laquelle l’homme est un être créateur, conscient et explorateur. Un individu dotés de devoirs, mais aussi de droits qui découlent d’une dignité inaliénable.
Si nous laissons ce flambeau s’éteindre, nous n’aurons peut-être plus d’opportunité historique de le faire revivre. Pour y parvenir, nous devons réaliser une introspection au préalable avant de pouvoir œuvrer pour une nouvelle ère où l’Occident illuminera et guidera. Pour cela, une approche historique et systémique est indispensable. Nous sommes lassés de la dichotomie gauche-droite qui régit des débats stériles. La politique contemporaine se réduit à des réactions simplistes : rejet des riches, rejet des pauvres, rejet des immigrés, rejet des conservateurs, rejet des modernistes — avec l’illusion que des solutions simples comme taxer les riches ou fermer les frontières suffirait à résoudre les crises. Nous sommes catégoriques : des problèmes structurels requièrent des réformes structurelles. Ni la droite ni la gauche ne peuvent proposer de solutions durables, car elles manquent d’une vision globale et d’une compréhension systémique des forces qui structurent la société.
Le concept même de droite et de gauche apparaît aujourd’hui comme une notion désuète, qui n’a eu de sens qu’à un moment précis de l’histoire, lorsqu’au sortir de la Révolution française, à l’Assemblée constituante, les députés se disposèrent en deux camps, à gauche et à droite du président, selon leur vision du pouvoir et de la société : à droite, ceux qui défendaient l’ordre, la tradition et le pouvoir royaliste; à gauche, ceux qui portaient le souffle du progrès, l’égalité et le pouvoir républicain. Ils se sont recyclés, entre ceux qui affirment protéger notre héritage — la droite — et ceux qui se veulent les porteurs du salut de l’humanité — la gauche. Nous sommes ici catégoriques : ils ne font ni l’un, ni l’autre. Ils demeurent avant tout figés dans leurs interprétations, incapables de se remettre en question, trahissant les idéaux qu’ils revendiquent ou les objectifs qu’ils s’attribuent. Pire encore, la droite et la gauche ont contribué, chacune à leur tour et à leur manière, aux crises qui menacent aujourd’hui notre survie, notre prospérité et notre culture, tout en continuant de s’opposer stérilement, se rejetant mutuellement la faute, persuadées d’être les élues de l’Histoire.
Voyons dans les grandes lignes notre interprétation actuelle et contemporaine — interprétation que nous approfondirons dans de futurs articles, sous ses aspects économiques et historiques. Au cœur de l’Occident, et plus précisément dans son hyper-centre politique que constituent les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, la France, l’Italie, l’Allemagne et l’Espagne, s’est imposé un pouvoir idéologique issu de la bourgeoisie capitaliste née des révolutions sœurs, française et américaine. Porté par le culte du libre-échange et du productivisme, ce pouvoir libéral a façonné un système consumériste aveugle à ses propres conséquences destructrices. Dans cette logique, le coût de la production n’a jamais réellement intégré celui de la destruction : les chaînes industrielles se sont bâties en ignorant les ravages infligés à l’environnement. Le carnage, lui, ne s’est pas limité à la nature — il a gagné la démocratie elle-même. Sous couvert de progrès, le principe démocratique s’est peu à peu soumis au primat de la croissance et à la religion du PIB. Dans cet élan d’hégémonie sociale, les inégalités se sont creusées, malgré quelques parenthèses où les luttes sociales parvinrent à édifier un ordre social-libéral éphémère, offrant au système la légitimité morale qui lui manquait pour perdurer jusqu’à aujourd’hui.
Face aux contradictions du système central-libéral, des oppositions se sont progressivement formées à sa gauche et à sa droite, connaissant aujourd’hui un processus de radicalisation qui les conduit à se qualifier d’extrême gauche et d’extrême droite. Ces extrêmes deviennent même majoritaires et font vaciller nos sociétés. Toutefois soyons clairs et lucides : ils ne sont pas le problème. Les extrêmes ne sont que les conséquences du chaos qu’a engendré l’idéologie économique libérale. Les extrémismes politiques sont des tentatives de solutions qui, malgré leurs intentions, précipitent l’effondrement du système par les oppositions féroces qu’ils amènent. Ils présentent des propositions alternatives, mais celles-ci participent paradoxalement à la crise de gouvernance : ces forces se définissent avant tout par leur opposition mutuelle, au point que leurs actions deviennent souvent absurdes et aberrantes. Elles cherchent moins à résoudre les problèmes concrets qu’à se distinguer l’une de l’autre, perdant de vue la cohérence entre la question qu’elles affrontent et la finalité qu’elles aspirent à atteindre, en accord avec les valeurs qu’elles revendiquent. Nous nous concentrons ici sur la critique de ces extrêmes politiques, car le socle centriste ne remet pas en cause le système établi, alors que nous nous plaçons dans une même revendication anti-système, mais en alternative des extrêmes politiques actuelles dont nous nous distinguons.
L’extrême droite a une double revendication, d’une part économique, et d’autre part culturelle. Économiquement, elle se soulève face aux inégalités créées par le système central-libéral, sans pour autant remettre en cause les fondements de ce système, mais plutôt l’une de ses conséquences. Elle s’est deuis longtemps déjà opposée à l’immigration, invoquant des raisons économiques et culturelles. Mais ces arguments se révélaient insuffisants : il ne suffit pas de fermer les frontières pour résoudre des problèmes profondément enracinés dans le système capitaliste lui-même. Les immigrés ne venaient pas « voler les emplois » ; au contraire, les libéraux les ont encouragés à venir pour soutenir le travail et la production. L’extrême droite, dans son expression contemporaine, reste prisonnière d’une vision économique conservatrice : elle ne remet pas en cause le capitalisme, mais cherche seulement à le refermer sur lui-même à travers un repli protectionniste. Cette interprétation de la réalité va à l’encontre de notre compréhension scientifique du système-monde capitaliste, établissant les causes à son émergence et – dorénavant – de son effondrement. Le risque de s’aligner sur l’extrême droite est de rester aveugle à l’effondrement en cours, faute de saisir l’ampleur et la nature réelle de ce qui se déroule.
C’est dans la dimension culturelle que se joue l’autre versant de sa revendication. Alors que l’ordre libéral a favorisé un cosmopolitisme bourgeois et l’arrivée d’une main-d’œuvre immigrée pour soutenir l’économie, la gauche, de son côté, a promu l’ouverture des sociétés aux immigrés, motivée par des principes d’humanisme et de justice sociale. Dans ce contexte, malgré son impertinence économique, l’extrême droite – ou plutôt les extrêmes droites – ont trouvé un terreau fertile pour se développer en réaction à une entente entre le centre libéral et la gauche qui furent présentés comme un axe pro-immigration mettant à mal les cultures traditionnelles et nationales. L’extrême droite ne pouvait percer sans cette convergence d’une frustration économique avec la perception d’une culture cosmopolite imposée par un système qui considère l’individu avant tout comme un consommateur ou une main d’œuvre, et non comme un être doté de conscience et d’héritage culturel. Notre volonté est de nous soustraire de la subordination de l’individu comme un agent économique, mais de le réhabiliter comme un être démiurge : penseur, sensible et créateur.
Cette conception de l’Homme innovateur diverge des courants conservateurs. Nous partageons avec les extrêmes politiques une même inquiétude face à un système établi que nous jugeons destructeur, mais nos chemins se séparent dès lors qu’il s’agit d’en comprendre les causes et d’envisager les remèdes. L’extrême droite est soucieuse de préserver un ordre ancien, où elle érige la tradition en rempart contre le changement. Pourtant, nous nous devons d’innover. Abordons d’abord ce point de divergence culturelle avec la droite, avant de nous distinguer de la gauche. Les droites perçoivent les cultures comme des entités figées, qu’il faudrait conserver dans une forme de pureté originelle. Nous, au contraire, nous nous réclamons de l’héritage des Lumières, qui a érigé la Raison — contre la tradition aveugle — en principe moteur de la société nouvelle qu’elle appelait de ses vœux. Pour autant, nous ne cherchons pas à réaliser la négation de notre histoire : nous reconnaissons qu’elle portait les germes de notre liberté, et c’est en la réhabilitant que nous pourrons construire sur une base saine et solide, afin d’éviter les désastres des expérimentations communistes qui ont voulu imposer artificiellement et abruptement l’avènement d’un nouveau genre humain. Il n’est pas fortuit que la démocratie, l’individualisme ou la science moderne se soient imposés comme principes structurants des sociétés européennes, plutôt que dans des sociétés comme celles de la Chine, de l’Inde ou du monde arabe.
C’est pourquoi nous dénonçons le populisme, qui s’inscrit dans un réflexe réactif et émotionnel, mû par la peur et l’ethnicisme. Incapable de proposer une vision claire et cohérente de l’avenir, il se contente de dénoncer sans construire, de fédérer les masses sans penser : il ne comprend pas l’histoire, mais l’instrumentalise pour nous rassurer. Il ne faudrait plus changer, plus innover, plus être audacieux. Pourtant, derrière les discours de la grandeur passée, le populisme de droite trahit une ignorance fondamentale de notre héritage civilisationnel, qu’il réduit à ses conquêtes militaires ou à son folklore. Notre civilisation ne se limite pas à manger du cochon, boire du vin ou à mener des croisades ; elle s’exprime également à travers la construction d’institutions solides, le soutien aux arts, à la créativité, à l’expression de soi et à l’individualité de ses citoyens. C’est pourquoi nous nous opposons à l’exaltation de la force et du pouvoir par les populistes, qui prétendent sauver la démocratie alors qu’ils la malmènent. Nous l’affirmons d’emblée : l’exercice démocratique est au cœur de notre culture politique, tout comme la capacité à entreprendre des transformations audacieuses.
Le salut ne viendra pas d’un chef providentiel, capable de sauver la société par sa poigne de fer. Il dépend de réformes mûrement réfléchies, qui honorent nos valeurs et notre histoire civique. Nous reconnaissons que réformer la démocratie et ses institutions est une tâche ardue, mais à défaut d’y parvenir, toute action restera vaine. Cette mission n’a pour l’instant pas encore été accomplie. C’est pourquoi, faute d’alternative claire, le populisme occupe le vide et prospère sur l’incapacité à proposer un véritable projet collectif. Notre projet aura abouti lorsque nous aurons réalisé l’élaboration d’un modèle alternatif au capitalisme néolibéral et à la démocratie bourgeoise, où la raison, la justice et la création retrouveront leur primauté sur l’aristocratie marchande et financière, le lobbying et la corruption.
Enfin, notons que les personnalités de droite ne sont nullement des occidentalistes. Ce sont, pour la plupart, des souverainistes nationaux, des opportunistes en quête de leur quart d’heure de gloire, des réactionnaires — au sens premier du terme — qui répondent aux événements sans vision : il suffirait de se prémunir du monde pour prospérer. Nous tirons la sonnette d’alarme : notre dépendance en tant que société moderne est telle – et l’hostilité grandissante du monde envers nos modèles – que nous n’avons pas d’autre choix que de nous unir et de construire une politique commune ambitieuse pour y faire face. Ne l’oublions pas : si les Etats occidentaux représentent selon la typologie des catégorisations jusqu’à 20% de la population, nos États représenteront moins de 10% de la population mondiale d’ici la fin du siècle. Nous devons réussir un syncrétisme occidental, plutôt que de tomber dans une désunion sous couvert d’une alliance de circonstances qui ferait prétendument l’affaire, alors qu’elle serait instrumentalisée et exploitée par les puissances étrangères. Pire qu’une faute, le repli nationaliste est une trahison qui nous condamnera.
Nous considérons que la véritable nature de la culture occidentale réside précisément dans sa capacité à s’adapter, à se réinventer sans se renier : un socle fédérateur où, grâce à la liberté et à l’audace de l’esprit, la société évolue au rythme de notre compréhension changeante du monde, telle que la science nous la révèle. Il s’agit donc de progresser, toutefois sans jamais se compromettre. Nous croyons que par sa force créatrice, l’Humanité avance vers un progrès dont elle demeure le maître — tout comme elle est, en dernière instance, maîtresse de son destin. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est sur ce point que nous divergeons de la gauche, malgré notre inscription dans une tradition intellectuelle partagée jusqu’à une époque récente : sociologie critique, matérialisme historique, pensée systémique, approche laïque et volontarisme politique. Pourtant, les divergences sont désormais irréconciliables. La gauche contemporaine, éprise de grands idéaux mais affaiblie par sa rigidité et son dogmatisme, s’enferme dans des combats symboliques qui n’apportent aucune réponse aux crises profondes qui bouleversent notre monde. Elle est devenue déconstructiviste et relativiste, déconstruisant jusqu’à mener à l’anarchie ou au nihilisme, sombrant dans le refus de toute autorité. Obsédée par le rejet des structures établies, elle relativise ce qui devrait constituer nos valeurs fondamentales, ne reconnaît pas l’unicité et la pertinence de notre héritage, et confond compromis et compromission au nom de la convergence des luttes. Elle se dit œuvrer pour l’émancipation, mais en réalité fragilise la démocratie, incapable d’assumer ses propres valeurs qu’elle corrompt.
En cherchant à s’unir à tous les opprimés, elle prétend rompre avec l’Occident, portée par une pureté déracinée qui pourrait s’appliquer à tous. Tout sens historique s’efface pour réduire le réel à une simple superposition de rapports de force, d’oppresseurs et d’opprimés, où l’opprimé, par sa condition même, aurait toujours raison sur l’oppresseur. Malheureusement, souvent deux maux s’affrontent, et aucun ne peut être souhaité. C’est sur ce point que nous affirmons notre propre cap : nous portons l’ambition de faire advenir l’Occident comme projet politique, plutôt que d’œuvrer à sa négation. Nous croyons en la possibilité de construire, d’adapter et de défendre un héritage capable de guider nos sociétés face aux crises, en conciliant Liberté, Raison et Progrès.
Pourquoi adopter une approche occidentaliste plutôt qu’universaliste ? Le système-monde est en train de vaciller. Idéalement, pour le remplacer, il faudrait un changement d’ordre global, une révolution internationale à la mesure des bouleversements à venir. Mais si nous restons optimistes, nous refusons la naïveté. Les conditions politiques, sociales et historiques ne sont pas réunies pour voir émerger un tel mouvement mondial. Aucun élan universel ne saurait dépasser aujourd’hui les clivages particuliers, les dogmes, les traditions, les bigoteries, les nationalismes ou les forces religieuses. Au contraire, les nations se referment sur elles-mêmes : les armées se reforment, les frontières se redressent, les instincts protectionnistes dominent. Le multilatéralisme vacille. Sous la pression du dérèglement climatique et de la fin de la globalisation, les transformations du système-monde annonceront inévitablement une ère de rivalités hégémoniques, de guerres pour les ressources, de vieilles rancunes ressuscitées. Pourtant, au cœur de cette désagrégation planétaire, une chance historique se présente. L’Occident est ce lieu où l’humanité a su expérimenter la Liberté, la Laïcité et la Raison — où elle a appris à s’émanciper de la fatalité et à s’élever par l’esprit. Construire un bastion occidental porteur de progrès et de liberté n’est plus une option, mais une nécessité. Car de sa survie dépend la possibilité, après l’effondrement, de rebâtir un ordre nouveau qui annoncera une humanité nouvelle.
Il est possible de définir un courant alternatif, échappant aux dogmes figés de la gauche et aux dérives du populisme de droite, qui forge un nouvel occidentalisme capable de répondre à nos défis. Notre voie serait sociale, oecuménique et universaliste, pragmatique dans ses choix, consciente des racines historiques de l’Occident — de l’hellénisme intégré à la romanité, au christianisme, jusqu’à l’amour pour la liberté et la Raison. Un courant capable de reconnaître toutes les composantes qui ont façonné notre civilisation, d’en tirer les enseignements, et de proposer une action concrète et réfléchie, guidée par la rhétorique et la pensée critique, plutôt que par la simple réaction ou la nostalgie.
Nous sommes pleinement conscients qu’il faut être pragmatiques pour réussir, et sortir de l’illusion d’un libéralisme idéal, souvent présenté comme neutre ou universel. En réalité, un libéralisme naïf n’a jamais existé : partout où il s’est imposé, il l’a fait par la force. Le marché est intrinsèquement violent, oppresseur, jamais impartial. Il transforme les rapports humains en rapports de concurrence, soumet les sociétés à des logiques de puissance et de profit, et impose ses règles à ceux qui ne sont pas préparés à s’y conformer. Cette réalité montre que l’idéalisme économique a toujours été tempéré, souvent contredit, par un pragmatisme brutal. Les révolutions démocratiques arabes en fournissent un exemple frappant. Elles ont succombé parce qu’elles n’étaient pas portées par un mouvement organisé capable de structurer et de canaliser l’énergie des soulèvements. Trop souvent, elles reposaient sur l’espoir que l’armée ou les institutions existantes reprendraient les revendications du peuple, ou elles se sont heurtées aux contradictions internes et aux forces opposées au sein même de la révolution. Sans coordination, sans stratégie et sans vision à long terme, la passion seule s’éteint, laissant place à l’échec et à la fragmentation.
C’est pourquoi nous devons construire un mouvement organisé, pragmatique et stratégique, capable d’unir toutes les facettes de l’Occident pour qu’il devienne complet, intègre et résilient. Ce mouvement ne se contentera pas de réactions spontanées ou de slogans : il devra articuler les expériences, les institutions, les valeurs et les traditions occidentales en une vision cohérente et opérante. Il s’agira de conjuguer la liberté et la raison avec la structure et la discipline, de réconcilier audace intellectuelle et action politique, pour créer un socle capable de résister aux crises et d’orienter le changement.